"Je lâche les rênes, prends le volant."
Nous sommes un jour comme un autre, nous sommes jeudi. Nous sommes dans un lieu comme un autre, nous sommes ici. Et aujourd'hui comme n'importe quel jour, j'ai porté ma vie à bout de bras et un peu de la tienne sur mes épaules. Pourtant quelque chose a changé, je le sens. Dans mon cœur, dans mon ventre, dans mes os qui se frottent, et dans ma tête qui se tient étonnamment droite à cette heure. Ma putain de tête, cabossée de l'intérieur, avec toutes ces idées qui tapent à coup de bélier contre des barrières qui n'existent pas. Aujourd'hui, c'est le soir, et je ne suis pas à bout de souffle. J'ai encore du jus sous la basket. J'ai encore envie d'être avec toi, pour t'observer, pour t'observer m'observer du haut de tes 7 ans et pour t'apprendre sans rien te dire. J'ai encore de la place à l'intérieur. Une place en forme de croix que je ne porte plus. Aujourd'hui, je crois que je m'aime suffisamment pour accepter cette folle idée, celle d'être pour toi une idole. Ça y est je l'ai dit, le vernis de mes souvenirs craque. Il y a de l'herbe qui pousse dans les fissures de mon enfance et qui éjecte cette multitude de couches de peur, de honte, de regret, de remords, de remous qui m'a rendu poreux et dépendant. Tu peux sourire p'tit gars, je ne suis qu'un miroir, ce que tu vois, c'est ça la vie, la vraie, celle qui avance.
Alors vas-y fonce, je te laisse faire le plein de mon essence. Je lâche les rênes, prends le volant. De toute façon, j'ai beau te répéter que je ne suis pas parfait, que je suis abîmé, truqué, troué, que je fuis de partout quand je suis rempli d'eau, que je suis le seul père que tu connais et que les dés sont pipés, tu n'écoutes pas. Tu ne m'écoutes pas, parce que je te plais, parce que tu m'aimes, alors j'accepte. J'accepte d'être ton monde, d'être mis en orbite sur ta station, d'être une étoile dans tes yeux, parce qu'après tout tu as le droit de te choisir le modèle que tu veux pour te construire, même un arbre tordu, un être branlant, c'est déjà très bien. A ton âge, on tombe dans le vide quand on n'a personne à qui s'accrocher. Alors je ne ferai pas de pas de côté, je serai là p'tit gars, les deux pieds dans la terre, sur le bitume, dans le sable ou dans la merde si il le faut. Je serai là pour toi, comme un point zéro, comme une ressource, comme un refuge, comme une porte ouverte qui te donne accès au monde, aux codes, aux règles. Et si jamais tu flippes, fais demi-tour et ferme la porte le temps de souffler. Qu'est ce qu'il y a ? Tes poches sont trouées ? Tu as perdu la clé ? On s'en fiche, le cadenas est tombé, ma cage thoracique est ouverte, mes blessures refermées, à nous les beaux jours.
David
Le Billet des papas est une initiative de la Maison de la famille de la ville de Reims.
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