LE BILLET DES PAPAS

Notre île

 

Il est un peu trop tôt pour se dire au revoir. Un peu trop tôt pour s'imaginer ne plus se revoir alors que l'on partage la même vie, le même toit, le même quotidien, la même île. C'est simplement que cette pensée me traverse. Du haut de tes trois pommes, voilà que tu as déjà doublé ton âge en quelques mois seulement. Et moi, je tourne les pages de mon agenda. Notre île n'a ni forme, ni frontière. Notre île, c'est notre premier peau à peau, c'est nos siestes quotidiennes, c'est mon petit doigt dans ta bouche, c'est ma main sur ton cœur ou ton pied dans mes côtes, c'est un baiser parfum biscuit-trempé.

 

Il est un peu trop tôt pour se dire au revoir. Nous sommes notre île et nous y sommes bien. Cette île est simple. Elle a la couleur des robes que tu portes. Elle a le silence des câlins partagés. Elle a tes joies, tes tristesses, tes colères et les miennes. Alors parfois, elle s'étire pour nous permettre d'être seul. Parfois, elle se fait grain de sable, pour que l'on se pardonne. Nous sommes notre île et nous y sommes forts, même quand nous n'y sommes pas. Cette île, c'est aussi moi sans toi ou toi sans moi. Notre île, c'est ce qu'il reste de nos contacts. C'est des sensations, des souvenirs qui se manifestent sur la peau. C'est tes rires d'enfant et tes premiers jeux de mots.

 

Il est un peu trop tôt pour se dire au revoir. Les jours passent et je te vois observer au loin d'autres reliefs. Est-ce d'autres îles que tu occupes déjà ? Est-ce d'autres étendues qui n'ont ni forme, ni frontière ? Je ne pourrai jamais m'y rendre. Je le sais et je t'aime. Il est un peu trop tôt pour s'imaginer ne plus se revoir alors que l'on partage encore un peu le même toit. Alors, les jours où tu n'es pas là, je viens sur notre île et m'approche du rivage. Il y fait flou. Un pas après l'autre, je pars chaque fois un peu plus loin, et reviens chaque fois un peu plus prêt. L'aventure, c'est être là. Un livre à la main, tu m'attends. Notre île porte ma voix et pose ta tête sur mon épaule.

 

Il est un peu trop tôt pour se dire au revoir. Aujourd'hui, je ne suis plus et nous restons une île. Tu viens de temps en temps. Notre île, c'est le mouvement de mes doigts dans tes cheveux, c'est le contact de mon index sur tes grains de beauté, c'est tes bras qui m'enlacent lorsque je suis à genoux. Notre île, c'est aussi toi sans moi. Personne d'autre ne peut s'y rendre. C'est un refuge. C'est une source de joie que tu peux aussi partager en la racontant autour de toi. Notre île n'a ni forme, ni frontière. Parfois elle s'étire, lorsque tu convoques tous nos souvenirs. Parfois, elle se fait grain de sable. Nous sommes notre île.

 

David

Le Billet des papas est une initiative de la Maison de la famille de la ville de Reims. 

 

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