LE BILLET DES PAPAS

Chère et malheureuse année 2020,

 

À rebours de tous les maux que l’on te fait porter, je voulais que tu saches que tu as joué un rôle important dans ma vie. Au moment où je t'écris, il ne te reste plus que quelques jours à vivre. Nous le savons tous les deux : le temps ne s’arrête pas. Au mieux, nous espérons le distordre en le ressentant plus lent. Lorsque vient « La fin », peu de personne sont capables de dire simplement, avec un cœur emplit de gratitude, « Adieu ». Peut-on le reprocher aux Hommes ? A l’échelle de la vie, ils sont à peine plus vieux que toi et font de leur mieux avec leurs émotions, leurs valeurs et leurs croyances. C’est pourquoi je te prie de ne pas prendre trop à cœur leurs reproches. N’écoutes pas les uns qui voudraient te condamner par facilité ou par lâcheté. N’écoutes pas les autres qui te jugeront à la fois cause et coupable de propagation « virale », des mesures politiques à géométries variables ou encore des dilemmes moraux et sanitaires qu’ils portent. D’ailleurs, à quoi pourrait bien te servir la loi des Hommes ? Tu ne te connais qu’une seule loi : celle du Temps qui passe .

 

C’est vrai que les événements qui se sont produits en ton sein ces douze derniers mois ont été pour la plupart choquants, déroutants et détestables. Je pense à la sécheresse et aux terribles incendies qui ont ravagé l’Australie et d’autres territoires. Je pense au nombre record d’ouragans qui se sont déchaînés. Je pense à toutes ces violences physiques, morales, idéologiques et symboliques du genre humain. J’ai beau chercher parmi tout cela, je ne comprends pas ce que l’on te reproche ! Aurait-il mieux valu que tu arraches des jours, des semaines ou des mois en ton flanc ? Aurait-il mieux valu que tu cesses d’être ? Cela aurait-il eu un effet sur ce monde dont tu n’es que le témoin ? Cela aurait-il eu un effet sur nos comportements, sur nos colères et nos peurs ?

 

Je dois bien l’avouer, il y a des jours où se lever le matin fût difficile. Peut-être en a-t-il été de même pour toi ? Je te revois, chère année 2020, en photo sur mon mur, barbouillée de réunions, de ratures, de rendez-vous en tout genre, et même de cases noircies pour penser « à ne rien faire ». Et pourtant, malgré ces stigmates calendaires, tu es restée ancrée, présente chaque jour à mes côtés. Qui peut témoigner d’avoir été 365 jours au chevet d’autant de vies aux quatre coins du monde ? En vérité, nous devrions te remercier de nous avoir portée et d’avoir su garder ton cap. Malgré tous ces vents contraires que l’on a soufflés et tous ces poids morts que nous fûmes bien souvent. En vérité, année 2020, tu es une année courageuse et inspirante. Tu as su œuvrer avec la Vie à chaque instant. Tu as su orchestrer les saisons malgré un contexte climatique de plus en plus difficile. Tu as su nous offrir des trésors célestes à travers les étoiles filantes des Perséides, la lune bleue d’octobre ou encore cette grande conjonction de Saturne et Jupiter. Tu as su me prouver que « quoi que je décide » sur ma vie ou sur ma mort, que « quoi que je combatte ou que je porte », « que quoi que je fasse » pour la planète ou pour le genre humain, cela ne t’empêchera pas de passer au lendemain. Nous autres ici-bas ne sommes pas si sages.

 

Plus que quelques heures maintenant et tu vas pouvoir partir avec le sentiment du travail accompli. Dans les décennies à venir, je ne sais pas ce que l’Histoire faite par l’Homme retiendra de toi. Il est probable que nous te chargions de nos erreurs et que tu gardes un arrière-goût d’année noire pour nos enfants. Saches que durant les années qu’il me reste, je saurai parler de toi à travers tous ces petits bonheurs que j’ai vécus dans ta matrice : Découvrir l’Amour de ceux qui sont loin et de ceux qui me sont proches ; Renforcer la valeur « Famille »; Nourrir le chaos en moi ; Avoir la force de me rencontrer et de m’aimer un peu plus ;  Perdre le contrôle de ma vie ; Changer de voie professionnelle ; Entrevoir un peu les adultes que seront mes enfants ; Accueillir l’enfant qui pleure en mon père; Me réjouir de voir les étincelles dans les yeux des enfants-philosophes; Recueillir le récit de ma grand-mère ; Découvrir un peu de mon histoire ; Marcher dans les bois ; Écrire avant le lever du jour ; Goûter à la préciosité d’une étreinte et d’un geste.

 

Chère Année 2020, le moment est venu pour moi de te dire Adieu. Nous ne nous reverrons plus, mais nous savons aujourd’hui notre existence. Nous savons qu’un bonheur est possible et que la Vie est virale.

 

Fraternellement

David

Le Billet des papas est une initiative de la Maison de la famille de la ville de Reims. 

 

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